Les vicissitudes d'une famille juive de Pfaffenhoffen durant la Seconde Guerre

Margot et ses parents Jules et Mary Metzger

Dès l'arrivée des Allemands en Alsace, en 1940, les Juifs, population non-aryenne, furent expulsés en France de l'intérieur. Ils avaient deux jours pour préparer 20 Kg de bagages à emporter. Mes arrières-grands-parents de Pfaffenhoffen avaient pris la précaution d'envoyer les quelques valeurs et titres qu'ils possédaient à un notaire honnête. Du centre de la France, ils purent ainsi les récupérer -fort dévalués- à la fin de la guerre. En ce qui concerne la maison de Pfaffenhoffen où habite encore mon grand-père, elle fut réquisitionnée par les Allemands et volée, y compris leur magazin. Le contenu fut vendu aux enchères aux Alsaciens qui voulaient bien l'acheter et après la guerre, mon grand-père dut faire la tournée des villages pour récupérer -souvent sans succès- ce dont il avait été spolié.

Il faut dire cependant que tous les Alsaciens ne se conduisirent pas de la manière indigne. Margot Metzger avait été avant la guerre la demoiselle de bureau comptable de la fabrique de chaussures Buchi de La Walck. Elle s'était liée d'amitié avec les enfants de son patron, Alfred, Josef et Maria (mademoiselle Arlen) qui fut longtemps sa propre voisine. Sachant que les Juifs seraient expulsés, les Buchi envoyèrent un des camions de l'entreprise à Jules Metzger pour qu'il le charge de tous les objets de valeur de sa maison, c'est ainsi que furent déménagés salle à manger Henri II, chambre à coucher Louis IV, service de porcelaines, argenterie, trousseau et autres bibelots de la famille. Ils furent entreposés à l'usine de La Walck pendant toute la durée de la guerre pour être rendus à leur propriétaire dès son retour. Les livres de prière et marzorim furent confiés à plusieurs familles catholiques de La Walck et cachés par celles-ci.

J'aimerai ajouter que les rouleaux de Thoro de la shoule de Pfaffenhoffen furent préservés et cachés par nos voisins, la famille Brauenig qui participa, par ailleurs, à un réseau qui faisait évader des aviateurs anglais. Rickel Brauenig se souvient encore que son père, le "Brauenig pape", avait sympatisé avec l'Allemand chargé de détruire le contenu de la schule voisine de sa maison. Il lui avait servi à boire et lui avait promis de se charger de la besogne à sa place; lorsque le soldat fut parti, il enleva les rouleaux et les cacha chez lui pendant toute la durée de la guerre. Le bâtiment lui-même, fut racheté par la Brasserie Moritz, dont une descendante, Marie-Eve, fut l'amie d'enfance de ma mère, ce qui évita de gros dégâts.

Paradoxalement quand ils quittèrent l'Alsace, Margot Metzger et ses parents se dirigèrent vers Paris, où vivait une grande partie de leur famille. Il prirent pension au 20, rue Saussure, Metro Villiers, chez leur nièce et cousine Madame F.G. Son mari P.G. était rentré dans la clandestinité (il devint dans la resistance le colonel D.S.G.) et F. était seule avec sa petite C. à élever.

Margot Metzger devint secrétaire d'une société (qui travaillait par ailleur avec les Allemands) pendant toute la guerre. Une autre Juive Colette Picard travaillait avec elle. Jules Metzger, tapissier décorateur de profession travailla chez son neveu F.B. restaurateur d'antiquités. A aucun moment ils ne cachèrent leur identité juive. Lorsque les Juifs durent se présenter au commissariat de leur arrondissement pour s'y faire recenser, Jules Metzger s'y rendit. Le commissaire lui dit: "M. Metzger, vous portez un nom alsacien, ce n'est pas la peine de vous déclarer Juif". Jules Metzger refusa, sa crainte était "qu'il lui arrive quelque chose et qu'on l'enterre sous la croix". Toute la famille porta par conséquent l'étoile jaune et subit les lois raciales immondes: le dernier wagon de métro "reservé aux Juifs et aux chiens", la queue à l'heure ou presque tout était vendu, le régime rutabagas. Et malgré tout, en compagnie d'autres Alsaciens, ils fréquentaient tous les Shabbess et fêtes, la synagogue rue de la Victoire, où officiait le Grand-Rabbin Julien Weill. Sauf à Yom Kippour (en 1942 je crois), où le Grand-Rabbin, averti par la police, les fit prévenir qu'il y aurait une rafle.

Ils avaient confiance en D., mais étaient aussi ignorants des dangers réels qu'ils encouraient. Un seul membre de leur famille fût prit dans la tourmente et n'en réchappa pas: Maie Schwartz née Haberer en Allemagne, tante de Marie Metzger fût arrêtée, détenue à Drancy et déportée sans retour. Nous conservons encore un billet dans lequel elle demande à sa nièce de règler le terme à sa concierge.

Margot essaya de lui rendre visite à Drancy, mais devant la porte, le gardien lui cria: "VOULEZ-VOUS FOUTRE LE CAMP OU VOUS SEREZ ENFERMEE VOUS AUSSI!". Elle l'avait échappée belle!

Margot se souvint aussi d'avoir fréquenté l'UEJF et d'avoir fait partie d'une organisation de jeunesse juive, Emounah.

Après la guerre, la famille Metzger revint saine et sauve à Pfaffenhoffen où elle continua à vivre. Hélas peu à peu, comme dans bien d'autres petites villes et villages alsaciens, la communauté juive devint moribonde...


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