Margot Meyer née Metzger est née en février 1913, à la veille de la Première Guerre Mondiale à Pfaffenhoffen, de Jules Metzger, tapissier-marchand de meubles et de Mary Meyer, originaire d'Erstein. Ses ancêtres étaient implantés depuis longtemps en Alsace. En effet à partir du dénombrement du premier décembre 1784 de La Walck (actes à Bitschoffen à la mairie, La Walck n'étant pas encore une commune indépendante) on constate que Simon Metzger était déjà implanté à La Walck avec ses enfants. On peut penser que ses parents vivaient déjà en Alsace depuis des années. Simon Metzger est mon aïeul à la huitième génération.
Mon aïeul habitait donc La Walck, séparée seulement de Pfaffenhoffen par la Moder. La Walck, située dans l'arrondissement de Haguenau dépendait du rabbinat de Bouxwiller, Pfaffenhoffen sise dans l'arrondissement de Saverne, a fait partie du Rabbinat de Haguenau; les communes ont étaient pendant une certaine période presque égales en nombre et ont chacune leur synagogue. Celle de La Walck était propriété de la famille Sichel qui l'entretenait consciencieusement. Peu à peu les Juifs de La Walck comme mon arrière-arrière-grand-père Simon Metzger ont pris domicile à Pfaffenhoffen, mais ont continué par fidèlité familiale à se considérer comme membres de La Walck et à s'y réunir pour les prières. La maison Sichel et la synagogue furent démolies pendant la dernière guerre pour motif d'alignement. En 1910 La Walck a été rattachée au rabbinat de Bouxwiller.
Mon arrière-grand-père était parfaitement intégré à la population de ce petit bourg. Juif traditionnaliste, il était un citoyen conscient de son rôle dans la cité et ne se déroba jamais à son devoir; Jules Metzger, comme tous les Alsaciens en âge de porter les armes, dut, à son corps défendant, aller se battre en Russie pour le Kaiser et revint en assez mauvaise santé.
Une famille implantée depuis des siècles
Traduit de l'Alsacien par ses enfants complétés par des anecdotes, telles qu'elles les a narrées
La vie quotidienne était pour nous la même que celle des autres gens: le travail primait tout. A Pfaffenhoffen, deux boucheries kochères servaient tant Juifs que goyes. Par ailleurs existaient des commerces de vêtements, de chaussures, de meubles et des ferrailleurs; les Juifs exerçaient aussi des activités de marchands de bestiaux, d'artisans et d'employés.
Enfants, je fréquentais l'école protestante; le jeudi matin et l'après-midi, de même que le dimanche matin, nous suivions les cours de "talmud-Thoro". Le "'hazen" (Kantor) nous enseignait le "talmud thoro": petits et grands étaient réunis autour d'une longue table dans la salle du rez-de-chaussée de la synagogue. Le rabbin du chef-lieu de canton venait en tournée d'inspection 2 à 3 fois par an.
A ce propos, j'aimerais relater un épisode assez loufoque:
Le 'hazen avait été prévenu de la proche venue du "rêve"; il voulait naturellement donner une bonne impression de sa classe; aussi décida-t-il de préparer ses élèves à réciter le "Benschen" (action de grâce après le repas); à chaque élève il attribua, au lieu de l'inciter à apprendre le "Bensch" entier, un chapitre bien défini de la prière: tel devait savoir jusqu'à "hazon ess akol", tel autre était censé réciter jusqu'à "ouvené yerousholoïme"...Mais notre rabbin n'était pas tombé de la dernière pluie et se mit à interroger un gamin au hasard, qui protesta bien fort que ce n'était pas là sa partie. Vous jugez de l'embarras du pauvre "'hazen"!
Dès vendredi matin, les maîtresses de maison cuisaient gâteaux, pains "Berchess" et diverses préparations culinaires en l'honneur du Shabbess. Le Shabbess commençait une heure avant la tombée de la nuit avec l'allumage et la bénédiction sur les bougies; une table couverte d'une nappe blanche attendait le retour des hommes de la synagogue.
Shabbess était jour de repos, consacré tout spécialement aux offices synagogaux: "Sha'hriss", avec la lecture de la Thoro, "Minho" et "Maariv", à la tombée de la nuit, on faisait "Havdoloh" (séparation entre Shabbess et "woch", c.à.d. les autres jours de la semaine). L'après-midi, on le passait à se promener, à visiter amis et connaissances ou à réconforter les malades.
Pessach (les "Pâques" juives)
Auparavant, depuis Pourim, les maîtresses de maison avaient pris soin de nettoyer avec soin leur logis. C'était le "Pessachputz", pendant juif de la "Osterputz" goy. Toute trace de pain ou d'autres "'Hometz" avait disparu. On avait livré à la maison les pains azymes "Matzess". Le soir de la fête, à la tombée de la nuit, débutait le cérémonial du "séder" à la table familiale. Le chef de famille lisait la "haggodo" récit de l'esclavage des Hébreux en Egypte et de leur sortie miraculeuse "non par le bras d'un malach (ange), mais par la main puissante de Dieu". Le plus jeune des enfants récitait le "Ma nichtano" (quatre questions rituelles) et tout le monde s'appliquait à boire les quatre coupes de vin rouge. Il arriva même qu'un soir de seder, emporté par l'élan, l'un des convives, au lieu de chanter le refrain du chant "adir hou", "bimheyro, bimheyro", commença à entonner, à ce qu'on crut entendre: "Bim Herriot, bim Herriot" "chez Herriot ... le ministre de l'époque"... Nous chantions bien entendu en choeur les chants en hébreu de la "Haggodo", et les reprenions ensuite dans leur traduction en Allemand. "Had gadio", devenait "ein Zigelein" (c'était un agneau...), le refrain de Adir Hou était "nun baut ein tempel shirra", mélange allemand-hébreu qui signifiait "bâtis un temple bientôt (et non à Schirrofen...)]", le refrain de "e'hod mi yodeya" se terminant par "eins ist under Got, im Himmel und auf der Erde".
Nous ne maquions pas de participer aux agapes qui accompagnaient le Seder: "yidde fisch" (carpe à la sauce verte), "Matze knefelsupp" (soupe aux quenelles de pains azymes), et pour le dessert, "matzeschaled", un mendiant au pain azyme avec une crème au vin blanc.
Nous avions l'habitude de faire porter des matzess à nos voisins afin qu'ils puissent un tant soit peu partager notre fête.
Schavouoss ("Pentecôte")
Entre Pessach et Shavouoss nous comptons l'Omer, en souvenir de la mesure (Omer) d'orge apportée journellement au tabernacle. Il faut attendre la nuit pour avoir le droit de prononcer la bénédiction: les hommes avaient donc l'habitude de se rendre plus assidûment à l'office de Maariv le soir, à l'"Omer Schule" -malheur à celui ou à celle qui avait omis un jour de faire le décompte! Normalement il aurait dû être puni par la privation à Shavouoss de sa part de Käskuch, la délectable tarte au fromage qui était censée le récompenser!
Sept semaines après Pessach nous célébrons "Schavouoss", notre "Pentecôte", aussi appelée la fête des prémices ou encore fête du don de la Thora, en souvenir de la Révélation de D.ieu sur le Mont Sinaï. Toutes les demeures, en particulier la synagogue étaient fleuries pour l'occasion et nos voisins, au courant, ne manquaient pas de venir nous apporter bouquets de lilas et branchages. Nous avions l'habitude, à cette occasion, de faire un gâteau spécial: le "Koletch" sorte de brioche tressée en forme de couronne (rappelant "Kéter Thora", la coronne de la Thora); à noter la ressemblance du mot "koletch" avec le "koulach", patisserie russe, ce qui prouve bien qu'il y avait des contacts entre "polaks" et Alsaciens.
Rochhachono (le nouvel an) et Yom Kippour (le "grand pardon")
Les solennités ou "jours redoutables", "yomim noraïm" sont précédées au mois d'Elloul par la sonnerie journalière du schofar. D.ieu, tel un berger rappelant son troupeau dispersé, nous incite à un retour sur nous-même, à un retour vers lui; le dimanche avant Rosh hashono est le 1er jour de Seli'hoss: nous avions et avons encore l'habitude de nous rendre au cimetière, en l'occurence l'antique "beiss olom" d'Ettendorf, pour nous recueillir sur la tombe de nos proches; les enfants qui avaient encore leurs parents, étaient incités à rester à l'extérieur; c'était aussi l'occasion de retrouver des parents et connaissances qui habitaient à la ville et de se "gassere" c'est-à-dire de se souhaiter la bonne année.
Durant ces fêtes, nous avions l'habitude d'aller à la Schule, revêtus de blanc, symbole d'innocence et de pureté: mon père revêtait son "Sargeness" (linceul dont on revêt le mort), certaines femmes portaient leur robes de mariées et nous avions l'habitude de poser sur notre pupitre une serviette immaculée, comme le "paroress" (rideau) ou les "mantele" (mantelets) de la thoro.
Lors de ces solennités propices à la repentance, n'étaient pas oubliés les repas de fête avec leurs spécialités culinaires -à cette occasion en particulier on dégustait le savoureux "Berekugel" espèce de pudding fait de "Meker" (graisse de boeuf), de farine, d'oignons, de poires dans une sauce aux pruneaux. On racontait encore l'histoire de ce Juif qui alla devant le juge de paix du canton de Bouxwiller afin de résoudre un conflit relatif à un "Kugelheffele" (marmite où l'on cuisait le Kugel); le juge, tout perplexe demandant des précisions au Juif sur ce "kugelhafen", en Allemand "Kugel" signifiant balle ou boulet: pensait-il que le plaignant était un terroriste complotant contre le Kaiser?
Souccoss et simhass-thoro
Ces fêtes cloturaient le cycle des Yom-tov (jours de fête) d'automne. Nous décorions la soucco avec des fruits de saisons, pommes, poires, coings, à Simhass-toro, il était dans nos habitudes de Juifs alsaciens bien "bekovedig" (honorables), de défiler en cortèges bien ordonnés dans la schule, les 'hossen-thoro et 'hossen-bereichiss, ainsi honorés en tête, portant les rouleaux de la thoro. Une reception suivait dans leur maison, où étaient consommés schnaps, zemetkuche (sablés à la canelle) et biscuits. Les enfants et les dames se voyaient offrir bonbons et dragées.
Margot, place de la gare à Strasbourg dans les années 30
A cette époque les rabbins consistoriaux toléraient encore le "simhasstorebal" (bal de Simhassthora), occasion rêvée de rencontre pour jeunes gens et jeunes filles, qui débouchait parfois sur un mariage.
Hanoucoh
Durant la fête des lumières, nous allumons les bougies de la "'hanouciyo" (candélabre). A la différence de maintenant, les enfants recevaient beaucoup moins de cadeaux, imitations des coutumes chrétiennes, les divers membres de la parenté se relayaient pour leur offrir un peu de "Hanikegeld", quelques sous pour s'acheter des friandises.
A la déclaration de guerre en 39, 70 Juifs vivaient à Pfaffenhoffen, qui comme leurs coreligionnaires furent expulsés; 50% d'entre eux disparurent dans la tourmente, fusillés comme les fils G. ou H., ou gazés à Auschwitz, d'autres moururent en exil; certains d'entre eux revinrent malades à la maison.
A présent, nous restons seuls, mais n'abandonnons pas toutefois nos us et coutumes. Contre vents et marées, nous continuons à aller prier dans notre schule.
Les derniers des mohicans
"SIE SENN DIE LETSCHTE, DIE ALLER LETCHTE"
Margot Metzger, jeune fille (années 30)
©M. Hirsch
Jules, Mary, Margot Metzger
En famille, devant la maison familiale avec des voisins
©M. Hirsch
Margot au Hohwald
©M. Hirsch
Une famille implantée depuis des siècles
Margot Meyer née Metzger est née en février 1913, à la veille de la Première Guerre Mondiale à Pfaffenhoffen, de Jules Metzger, tapissier-marchand de meubles et de Mary Meyer, originaire d'Erstein. Ses ancêtres étaient implantés depuis longtemps en Alsace. En effet à partir du dénombrement du premier décembre 1784 de La Walck (actes à Bitschoffen à la mairie, La Walck n'étant pas encore une commune indépendante) on constate que Simon Metzger était déjà implanté à La Walck avec ses enfants. On peut penser que ses parents vivaient déjà en Alsace depuis des années. Simon Metzger est mon aïeul à la huitième génération.
Mon aïeul habitait donc La Walck, séparée seulement de Pfaffenhoffen par la Moder. La Walck, située dans l'arrondissement de Haguenau dépendait du rabbinat de Bouxwiller, Pfaffenhoffen sise dans l'arrondissement de Saverne, a fait partie du Rabbinat de Haguenau; les communes ont étaient pendant une certaine période presque égales en nombre et ont chacune leur synagogue. Celle de La Walck était propriété de la famille Sichel qui l'entretenait consciencieusement. Peu à peu les Juifs de La Walck comme mon arrière-arrière-grand-père Simon Metzger ont pris domicile à Pfaffenhoffen, mais ont continué par fidèlité familiale à se considérer comme membres de La Walck et à s'y réunir pour les prières. La maison Sichel et la synagogue furent démolies pendant la dernière guerre pour motif d'alignement. En 1910 La Walck a été rattachée au rabbinat de Bouxwiller.
Mon arrière-grand-père était parfaitement intégré à la population de ce petit bourg. Juif traditionnaliste, il était un citoyen conscient de son rôle dans la cité et ne se déroba jamais à son devoir; Jules Metzger, comme tous les Alsaciens en âge de porter les armes, dut, à son corps défendant, aller se battre en Russie pour le Kaiser et revint en assez mauvaise santé.
Une famille implantée depuis des siècles
Traduit de l'Alsacien par ses enfants complétés par des anecdotes, telles qu'elles les a narréesLa vie quotidienne était pour nous la même que celle des autres gens: le travail primait tout. A Pfaffenhoffen, deux boucheries kochères servaient tant Juifs que goyes. Par ailleurs existaient des commerces de vêtements, de chaussures, de meubles et des ferrailleurs; les Juifs exerçaient aussi des activités de marchands de bestiaux, d'artisans et d'employés.
Enfants, je fréquentais l'école protestante; le jeudi matin et l'après-midi, de même que le dimanche matin, nous suivions les cours de "talmud-Thoro". Le "'hazen" (Kantor) nous enseignait le "talmud thoro": petits et grands étaient réunis autour d'une longue table dans la salle du rez-de-chaussée de la synagogue. Le rabbin du chef-lieu de canton venait en tournée d'inspection 2 à 3 fois par an.
A ce propos, j'aimerais relater un épisode assez loufoque:
Le 'hazen avait été prévenu de la proche venue du "rêve"; il voulait naturellement donner une bonne impression de sa classe; aussi décida-t-il de préparer ses élèves à réciter le "Benschen" (action de grâce après le repas); à chaque élève il attribua, au lieu de l'inciter à apprendre le "Bensch" entier, un chapitre bien défini de la prière: tel devait savoir jusqu'à "hazon ess akol", tel autre était censé réciter jusqu'à "ouvené yerousholoïme"...Mais notre rabbin n'était pas tombé de la dernière pluie et se mit à interroger un gamin au hasard, qui protesta bien fort que ce n'était pas là sa partie. Vous jugez de l'embarras du pauvre "'hazen"!
Dès vendredi matin, les maîtresses de maison cuisaient gâteaux, pains "Berchess" et diverses préparations culinaires en l'honneur du Shabbess. Le Shabbess commençait une heure avant la tombée de la nuit avec l'allumage et la bénédiction sur les bougies; une table couverte d'une nappe blanche attendait le retour des hommes de la synagogue.
Margot en Alsacienne
©M. Hirsch
Shabbess était jour de repos, consacré tout spécialement aux offices synagogaux: "Sha'hriss", avec la lecture de la Thoro, "Minho" et "Maariv", à la tombée de la nuit, on faisait "Havdoloh" (séparation entre Shabbess et "woch", c.à.d. les autres jours de la semaine). L'après-midi, on le passait à se promener, à visiter amis et connaissances ou à réconforter les malades.
Pessach (les "Pâques" juives)
Auparavant, depuis Pourim, les maîtresses de maison avaient pris soin de nettoyer avec soin leur logis. C'était le "Pessachputz", pendant juif de la "Osterputz" goy. Toute trace de pain ou d'autres "'Hometz" avait disparu. On avait livré à la maison les pains azymes "Matzess". Le soir de la fête, à la tombée de la nuit, débutait le cérémonial du "séder" à la table familiale. Le chef de famille lisait la "haggodo" récit de l'esclavage des Hébreux en Egypte et de leur sortie miraculeuse "non par le bras d'un malach (ange), mais par la main puissante de Dieu". Le plus jeune des enfants récitait le "Ma nichtano" (quatre questions rituelles) et tout le monde s'appliquait à boire les quatre coupes de vin rouge. Il arriva même qu'un soir de seder, emporté par l'élan, l'un des convives, au lieu de chanter le refrain du chant "adir hou", "bimheyro, bimheyro", commença à entonner, à ce qu'on crut entendre: "Bim Herriot, bim Herriot" "chez Herriot ... le ministre de l'époque"... Nous chantions bien entendu en choeur les chants en hébreu de la "Haggodo", et les reprenions ensuite dans leur traduction en Allemand. "Had gadio", devenait "ein Zigelein" (c'était un agneau...), le refrain de Adir Hou était "nun baut ein tempel shirra", mélange allemand-hébreu qui signifiait "bâtis un temple bientôt (et non à Schirrofen...)]", le refrain de "e'hod mi yodeya" se terminant par "eins ist under Got, im Himmel und auf der Erde".
Margot avec des amis
©M. Hirsch
Au Hohwald, Jules et Margot Metzger avec des amis
©M. Hirsch
Nous ne maquions pas de participer aux agapes qui accompagnaient le Seder: "yidde fisch" (carpe à la sauce verte), "Matze knefelsupp" (soupe aux quenelles de pains azymes), et pour le dessert, "matzeschaled", un mendiant au pain azyme avec une crème au vin blanc.
Nous avions l'habitude de faire porter des matzess à nos voisins afin qu'ils puissent un tant soit peu partager notre fête.
Schavouoss ("Pentecôte")
Entre Pessach et Shavouoss nous comptons l'Omer, en souvenir de la mesure (Omer) d'orge apportée journellement au tabernacle. Il faut attendre la nuit pour avoir le droit de prononcer la bénédiction: les hommes avaient donc l'habitude de se rendre plus assidûment à l'office de Maariv le soir, à l'"Omer Schule" -malheur à celui ou à celle qui avait omis un jour de faire le décompte! Normalement il aurait dû être puni par la privation à Shavouoss de sa part de Käskuch, la délectable tarte au fromage qui était censée le récompenser!
Sept semaines après Pessach nous célébrons "Schavouoss", notre "Pentecôte", aussi appelée la fête des prémices ou encore fête du don de la Thora, en souvenir de la Révélation de D.ieu sur le Mont Sinaï. Toutes les demeures, en particulier la synagogue étaient fleuries pour l'occasion et nos voisins, au courant, ne manquaient pas de venir nous apporter bouquets de lilas et branchages. Nous avions l'habitude, à cette occasion, de faire un gâteau spécial: le "Koletch" sorte de brioche tressée en forme de couronne (rappelant "Kéter Thora", la coronne de la Thora); à noter la ressemblance du mot "koletch" avec le "koulach", patisserie russe, ce qui prouve bien qu'il y avait des contacts entre "polaks" et Alsaciens.
Rochhachono (le nouvel an) et Yom Kippour (le "grand pardon")
Les solennités ou "jours redoutables", "yomim noraïm" sont précédées au mois d'Elloul par la sonnerie journalière du schofar. D.ieu, tel un berger rappelant son troupeau dispersé, nous incite à un retour sur nous-même, à un retour vers lui; le dimanche avant Rosh hashono est le 1er jour de Seli'hoss: nous avions et avons encore l'habitude de nous rendre au cimetière, en l'occurence l'antique "beiss olom" d'Ettendorf, pour nous recueillir sur la tombe de nos proches; les enfants qui avaient encore leurs parents, étaient incités à rester à l'extérieur; c'était aussi l'occasion de retrouver des parents et connaissances qui habitaient à la ville et de se "gassere" c'est-à-dire de se souhaiter la bonne année.
Jules et Mary Metzger devant leur maison à Pfaffenhoffen
©M. Hirsch
Durant ces fêtes, nous avions l'habitude d'aller à la Schule, revêtus de blanc, symbole d'innocence et de pureté: mon père revêtait son "Sargeness" (linceul dont on revêt le mort), certaines femmes portaient leur robes de mariées et nous avions l'habitude de poser sur notre pupitre une serviette immaculée, comme le "paroress" (rideau) ou les "mantele" (mantelets) de la thoro.
Lors de ces solennités propices à la repentance, n'étaient pas oubliés les repas de fête avec leurs spécialités culinaires -à cette occasion en particulier on dégustait le savoureux "Berekugel" espèce de pudding fait de "Meker" (graisse de boeuf), de farine, d'oignons, de poires dans une sauce aux pruneaux. On racontait encore l'histoire de ce Juif qui alla devant le juge de paix du canton de Bouxwiller afin de résoudre un conflit relatif à un "Kugelheffele" (marmite où l'on cuisait le Kugel); le juge, tout perplexe demandant des précisions au Juif sur ce "kugelhafen", en Allemand "Kugel" signifiant balle ou boulet: pensait-il que le plaignant était un terroriste complotant contre le Kaiser?
Souccoss et simhass-thoro
Ces fêtes cloturaient le cycle des Yom-tov (jours de fête) d'automne. Nous décorions la soucco avec des fruits de saisons, pommes, poires, coings, à Simhass-toro, il était dans nos habitudes de Juifs alsaciens bien "bekovedig" (honorables), de défiler en cortèges bien ordonnés dans la schule, les 'hossen-thoro et 'hossen-bereichiss, ainsi honorés en tête, portant les rouleaux de la thoro. Une reception suivait dans leur maison, où étaient consommés schnaps, zemetkuche (sablés à la canelle) et biscuits. Les enfants et les dames se voyaient offrir bonbons et dragées.
©M. Hirsch
A cette époque les rabbins consistoriaux toléraient encore le "simhasstorebal" (bal de Simhassthora), occasion rêvée de rencontre pour jeunes gens et jeunes filles, qui débouchait parfois sur un mariage.
Hanoucoh
Durant la fête des lumières, nous allumons les bougies de la "'hanouciyo" (candélabre). A la différence de maintenant, les enfants recevaient beaucoup moins de cadeaux, imitations des coutumes chrétiennes, les divers membres de la parenté se relayaient pour leur offrir un peu de "Hanikegeld", quelques sous pour s'acheter des friandises.
A la déclaration de guerre en 39, 70 Juifs vivaient à Pfaffenhoffen, qui comme leurs coreligionnaires furent expulsés; 50% d'entre eux disparurent dans la tourmente, fusillés comme les fils G. ou H., ou gazés à Auschwitz, d'autres moururent en exil; certains d'entre eux revinrent malades à la maison.
A présent, nous restons seuls, mais n'abandonnons pas toutefois nos us et coutumes. Contre vents et marées, nous continuons à aller prier dans notre schule.
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